Les Internationales de Dijon se sont tenues le samedi 8 octobre 2022.
Parmi les auditeurs présents dans la salle, plusieurs élèves du lycée international Charles de Gaulle qui vous proposent une synthèse des échanges.

Cette table ronde rassemblait quatre intervenants :
- François BEAUDONNET, rédacteur en chef de la rédaction européenne, France Télévisions
- Sylvie BERMANN, ambassadrice de France, présidente du conseil d’administration de l’IHEDN
- Armelle CHARRIER, éditorialiste en politique internationale, France 24
- Renaud GIRARD, grand reporter et chroniqueur international, Le Figaro
Elle était animée par Lukàš MACEK, directeur du campus de Dijon de Sciences Po Paris.
Lukàš Macek précise lors de l’introduction à quel point ce débat n’est pas évident. Il ajoute aussi que les intervenant.e.s ne peuvent prédire l’avenir et que ce qui sera avancé doit être interprété comme une prévision et non une prédiction. Chaque intervenant.e a développé une question que l’animateur a posée et iels ont répondu à la fin aux questions du public.
« Comment voyez-vous le rôle de la Chine dans ce conflit ? »
Selon Sylvie BERMANN, la Chine possède un rôle fondamental dans le conflit. Un rapprochement s’est opéré entre la Russie et la Chine ces dernières années. S.B emploie l’expression de « nouvelle Guerre Froide » qui est, contrairement à celle des années 1980, principalement technologique.
Le partenariat établi entre la Chine et la Russie est inégal, même si l’un et l’autre trouvent leur compte. Il est d’ailleurs important de ne pas confondre ce partenariat avec une alliance car la Chine soutient certes la Russie mais elle est embêtée par les actions qu’elle entreprend dans le cadre de la guerre. Mais elle continuera de faire face à leur ennemi commun, les États-Unis, car « l’ennemi de mon ami est mon ennemi ». La Russie et la Chine ne veulent plus de l’hégémonie occidentale et veulent proposer une alternative aux autres pays du monde de l’idéologie occidentale.
« Quel regard portez-vous sur ces recompositions, chamboulements stratégiques ? Assistons-nous à la formation d’un nouveau monde ? »
D’après Armelle CHARRIER, on assiste à un nouveau monde en termes de défense. Le monde se réarme, et la Chine et l’Inde en sont un très bon exemple. En effet, A.M dit qu’en 4 ans, la marine chinoise a réussi à être aussi puissante que celle de la France. L’Inde est en course avec la Chine et se fait plus discrète. A.M cite également la Turquie qui avait un regard intéressé sur les conflits. En effet, elle vend des armes à l’Ukraine et à l’Azerbaïdjan renforçant ainsi les tensions. A.M évoque également que pour remettre en place l’armée ukrainienne, les États-Unis ont versé 40 milliards d’euros d’aide au pays. Elle fait remarquer que l’Europe ne s’attendait pas à voir émerger un tel conflit sur son territoire. Selon A.M, il y a une évolution et une prise de conscience des dangers du monde.
La guerre prend une dimension autre avec notamment la Corée du Nord qui montre sa capacité nucléaire et ses missiles. Les jeunes du monde entier sortant tout juste du COVID, doivent aujourd’hui faire face aux risques de guerre. La France a annoncé augmenter de 3 milliards d’euros son budget de l’armée mais A.M se demande comment la France va financer cela surtout que l’on est en pleine crise économique.
« Quel regard sur l’action de l’Union Européenne à propos de la guerre ? Comment voyez-vous la situation actuelle et les ouvertures ? »
François BEAUDONNET commence par rappeler que personne ne s’attendait à cette invasion, pas même les ukrainien.ne.s. Il y a eu une sidération durant les premières heures qui ont suivi l’invasion. L’Union Européenne étant connue pour s’emmêler les pinceaux, elle était très attendue quant à sa réaction. Selon F.B, cette réaction fut un réel succès, rapide et étonnante même pour Vladimir Poutine. Aujourd’hui, l’Union Européenne atteint ses limites quant aux sanctions économiques et arrive au huitième paquet de sanctions. De surcroît, celles-ci jouent économiquement contre nous.
Au début de son mandat, Van Der Leyen voulait une Europe géopolitique. Avant, lorsque l’Union Européenne et ses voisins réagissaient à un conflit, elle n’était pas réellement écoutée car elle n’était pas considérée comme une puissance géopolitique alors que depuis la guerre en Ukraine cela a changé. Cependant, elle a une immense fragilité étant donné que le conflit se déroule au sein de son territoire ce qui ne rend pas la tâche simple d’après F.B. On peut considérer que le centre de gravité européen a basculé à l’Est ne se trouvant plus entre la France et l’Allemagne étant donné que l’Allemagne a bâti toute sa puissance sur le gaz russe et que Macron n’a pas réussi à discuter avec Vladimir Poutine.
En conclusion, l’Europe sort renforcée même si rien n’est encore gagné.
« Pouvez-vous partager votre regard sur cette guerre en la comparant avec les autres conflits que vous avez vécus ? »
Renaud GIRARD pense également que nous faisons face à un nouveau monde. Il mentionne que pour la première fois, les États-Unis ont des alliés utiles (contrairement aux Afghans, Vietnamiens du Sud, Iraniens…). Les États-Unis pensaient que l’armée ukrainienne allait rapidement s’effondrer, or, Zelenski a montré une extraordinaire capacité sur le plan militaire et de communication. Ainsi, les États-Unis mettent tout de suite les moyens sur la guerre de communication et la propagande. R.G évoque également une guerre de l’information, les États-Unis ont tout donné en renseignements aux ukrainien.ne.s. La cyberguerre qu’ont longtemps livrée les Russes s’est retournée contre eux. La propagande a très bien été menée en réussissant même à dissimuler la polémique visant Zelenski quant à l’argent qu’il aurait détourné dans un paradis fiscal.Ainsi, R.G évoque la maîtrise du corps journalistique. En effet, il prend comme exemple la guerre de Bosnie où les journalistes pouvaient librement circuler alors qu’aujourd’hui ou bien les journalistes couvrent la Russie, ou bien iels couvrent l’Ukraine, mais dans ce cas il ne faut pas être critique. Selon R.G on ne montre pas la vraie guerre car il ne faut pas diffuser les stratégies ukrainiennes aux russes et surtout ne pas montrer les soldats américains (SAS) dans leurs troupes. Il y a une réorganisation de l’armée ukrainienne avec un soutien des forces de l’OTAN qui viennent et qui améliorent son équipement. R.G souligne également qu’il n’y a pas de batailles frontales comme avec Napoléon.
À la fin de son intervention, R.G se demande s’ il y avait un moyen d’éviter cette guerre. Il expose un scénario où nous aurions pu éviter ce conflit. Selon lui, après avoir signé l’accord intra-ukrainien, il était nécessaire d’en parler à Poutine et de lui promettre que Sébastopol serait à la Russie, que l’Ukraine ne serait jamais dans l’OTAN et que le russe sera la deuxième langue officielle de l’est de l’Ukraine. R.G nous assure qu’un proche de Poutine aurait confirmé que ce scénario aurait à « 100% » fonctionné.
Finalement, au travers de cette conférence, nous avons mieux compris la situation en Ukraine avec un débat sur un thème compliqué. Nous avons identifié les différents pays jouant un rôle majeur durant cette guerre avec notamment la Chine et les États-Unis, nous avons également observé un renforcement de l’armée dans les pays occidentaux avec également une Union Européenne qui ressort plus mature de ce conflit et enfin cette conférence nous a appris que cette guerre n’est pas comme les autres et qu’elle est moderne.
Compte rendu réalisé par Kiyomasa KUMAGAI
Pour aller plus loin
Vous pouvez retrouver l’ensemble des conférences et échanges tenus lors des Internationales de Dijon sur la chaîne YouTube de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) :