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Les grands orateurs sont aussi souvent de grands auditeurs qui se délectent des modèles qui les ont précédés pour comprendre comment construire leurs discours et capter l’attention.

Cette page sera régulièrement actualisée afin de vous proposer d’écouter les grands discours qui ont marqué l’histoire politique, judiciaire, culturelle, etc.


« Discours à la loupe » par Adrien Rivierre

« Discours à la loupe » est une série proposée par Adrien Rivierre, spécialiste de la prise de parole en public et de la mise en récit, pour le journal Les Echos. Chaque épisode constitue une analyse détaillée d’un discours afin d’en comprendre les logiques argumentatives et stratégies narratives :

  • Episode 1 : Quand Emmanuel Faber, PDG de Danone, priait les diplômés d’HEC de « rendre le monde meilleur »
  • Episode 2 : Quand le Lieutenant général Jay Silveria s’indignait contre le racisme dans ses rangs
  • Episode 3 : Quand Greta Thunberg menaçait les dirigeants du monde à l’ONU
  • Episode 4 : pourquoi l’intervention d’Alexandria Ocasio-Cortez était si percutante ?
  • Episode 5 : Le jour où Barack Obama a crevé l’écran
  • Episode 6 : Quand Emma Gonzalez brillait par son éloquence du silence
  • Episode 7 : Les clés du succès selon Steve Jobs
  • Episode 8 : Quand Emma Watson appelait les hommes à s’engager pour l’égalité des sexes
  • Episode 9 : « Un nouveau jour est à l’horizon », le message d’espoir d’Oprah Winfrey

Par ailleurs, vous pouvez retrouver sur la page d’Adrien Rivierre d’autres analyses de discours pour lesquels il propose un decryptage du fond et de la forme :


« J’ai réalisé que le combat pour les droits des femmes était trop souvent devenu synonyme de combat contre les hommes. Et s’il y a une seule chose dont je suis certaine, c’est que cela doit s’arrêter »

Le 20 septembre 2014, l’actrice Emma Watson donne un discours au siège des Nations Unies pour le lancement de la campagne « HeForShe« .

Ce discours est particulièrement intéressant dans son articulation constante entre le récit personnel de son auteure et la mobilisation d’arguments généraux au service de l’égalité de genre.

Le texte intégral peut-être consulté à cette adresse.


« J’ai l’honneur, au nom du Gouvernement de la République, de demander à l’Assemblée nationale l’abolition de la peine de mort en France »

Le 17 septembre 1981, Robert Badinter, nouveau ministre de la Justice depuis l’élection de François Mitterrand à la Présidence de la République, s’adresse à l’Assemblée nationale pour présenter le projet de loi visant à abolir la peine de mort. Après un vote positif à l’Assemblée nationale, puis au Sénat, le texte est promulgué le 9 octobre 1981. La France devient dès lors le 35e pays du monde à prohiber la peine de mort.

Quelques extraits choisis (INA)

Le texte intégral peut-être consulté à cette adresse sur le site vie-publique.fr.

La vidéo intégrale du discours peut également être visionnée à cette adresse sur le site vie-publique.fr.


Winston Churchill : « We should not surrender »

Eh oui, tous les grands discours n’ont pas toujours été prononcés en français. L’un des orateurs les plus talentueux de l’histoire du XXe siècle est en effet britannique et il s’agit du Premier ministre Winston Churchill. Alors que l’Allemagne nazie envahit progressivement l’Europe et que l’allié français sombre sous les attaques de l’ennemi, l’homme au cigare prononce successivement trois discours qui ont marqué l’histoire :

  • Le 13 mai 1940, il promet aux sujets de sa majesté « du sang, du labeur et des larmes » ;
  • Le 4 juin 1940, il réalise une prédiction hallucinante en annonçant que « nous serons contraints de nous battre sur les plages » ;
  • Le 18 juin 1940, alors que De Gaulle réalise son célèbre appel sur les ondes de la BBC, il prononce un discours visant à galvaniser les Britanniques en évoquant la postérité de la victoire et en imaginant que dans mille ans, les hommes diront encore : « ce fut leur plus belle heure« .

Chacun de ces trois discours mériterait une analyse détaillée tellement ils témoignent de l’excellente maîtrise de l’art oratoire. Rappelons simplement que le discours du 4 juin est particulièrement connu pour sa péroraison (c’est-à-dire sa conclusion) dans laquelle Winston Churchill fait progressivement monter la tension dramatique jusqu’à l’emphase finale qui provoque une ovation de la part des députés britanniques.

Si vous souhaitez écouter ces différents discours, je ne peux que vous conseiller de regarder, en version originale, l’interprétation donnée par Gary Oldman dans le film Darkest Hour (2017) :

Mais il est également possible d’écouter l’archive audio de la version complète du discours original sur le site Winstonchurchill.org.


L’abbé Pierre : « Mes amis, au secours ! »

Ce discours est entré dans l’histoire de France car il témoigne des limites de la croissance économique dans le contexte des Trente Glorieuses. L’exorde est particulièrement intéressant car il repose sur une interpellation efficace de l’auditeur. Une fois l’attention captée, l’abbé Pierre déroule son argumentaire visant à appeler à la solidarité. Cet appel radiophonique est donc la preuve que certains discours sont suffisamment puissants pour changer le cours de l’histoire.


Malala YOUSAFZAI : « Sur ce silence se sont élevées des milliers de voix »

Ce discours est particulièrement intéressant pour sa dimension narrative qui repose sur les principes du storytelling. Malala Yousafzai y développe en effet son argumentaire en l’appuyant sur le récit concret et tangible de son histoire personnelle.

Et bien entendu, vous pouvez aussi retrouver le discours complet en anglais :


Victor Hugo : discours à l’Assemblée nationale pour le suffrage universel

Discours prononcé le 20 mai 1850 à l’Assemblée nationale.


Victor Hugo : discours sur la liberté de la presse (11 octobre 1848)

Maintenant, j’entre dans la question de la liberté de la presse, et je dirai à M. le Ministre de la justice que, depuis la dernière discussion, cette question a pris des aspects nouveaux. Pour ma part, plus nous avançons dans l’œuvre de la constitution, plus je suis frappé de l’inconvénient de discuter la constitution en l’absence de la liberté de la presse. (Bruit et interruptions diverses.)

Je dis dans l’absence de la liberté de la presse, et je ne puis caractériser autrement une situation dans laquelle les journaux ne sont point placés et maintenus sous la surveillance et la sauvegarde des lois, mais laissés à la discrétion du pouvoir exécutif. (C’est vrai !) Eh bien, messieurs, je crains que, dans l’avenir, la constitution que vous discutez ne soit moralement amoindrie. (Dénégations. — Adhésion sur plusieurs bancs.)

Vous avez pris, messieurs, deux résolutions graves dans ces derniers temps : par l’une, à laquelle je ne me suis point associé, vous avez soumis la République à cette périlleuse épreuve d’une assemblée unique ; par l’autre, à laquelle je m’honore d’avoir concouru, vous avez consacré la plénitude de la souveraineté du peuple, et vous avez laissé au pays le droit et le soin de choisir l’homme qui doit signer le Gouvernement du pays. (Rumeurs.) Eh bien, messieurs, il importait dans ces deux occasions que l’opinion publique, que l’opinion du dehors pût prendre la parole, la prendre hautement et librement, car c’étaient là, à coup sûr, des questions qui lui appartenaient. (Très bien !) L’avenir, l’avenir immédiat de votre constitution amène d’autres questions graves. Il serait malheureux qu’on pût dire que, tandis que tous les intérêts du pays élèvent la voix pour réclamer ou pour se plaindre, la presse est bâillonnée. (Agitation.)

Messieurs, je dis que la liberté de la presse importe à la bonne discussion de votre constitution. Je vais plus loin (Écoutez ! Écoutez !), je dis que la liberté de la presse importe à la liberté même de l’Assemblée. (Très bien !) C’est là une vérité… (Interruption.)

Le citoyen Président : Écoutez, messieurs ; la question est des plus graves.

Le citoyen Victor Hugo : Il me semble que, lorsque je cherche à démontrer à l’Assemblée que sa liberté, que sa dignité même sont intéressées à la plénitude de la liberté de la presse, les interrupteurs pourraient faire silence. (Très bien !)

Je dis que la liberté de la presse importe à la liberté de cette Assemblée, et je vous demande la permission d’affirmer cette vérité comme on affirme une vérité politique, en les généralisant.

Messieurs, la liberté de la presse est la garantie de la liberté des assemblées (Oui ! Oui ! )

Les minorités trouvent dans la presse libre l’appui qui leur est souvent refusé dans les délibérations intérieures. Pour prouver ce que j’avance, les raisonnements abondent, les faits abondent également. (Bruit.)

 Je dis que les minorités trouvent dans la presse libre… ; et messieurs, permettez-moi de vous rappeler que toute majorité peut devenir minorité ; ainsi respectons les minorités. (Vive adhésion.) Les minorités trouvent dans la presse libre l’appui qui leur manque souvent dans les délibérations intérieures. Et voulez-vous un fait ? Je vais vous en citer un qui est certainement dans la mémoire de beaucoup d’entre vous. (Marques d’attention.)

Sous la Restauration, un jour un orateur énergique de la gauche, Casimir Périer, osa jeter à la Chambre des Députés cette parole hardie : « Nous sommes six dans cette enceinte et 30 millions au dehors. » (Mouvement.)

Messieurs, ces paroles mémorables, ces paroles qui contenaient l’avenir, furent couvertes, au moment où l’orateur les prononça, par les murmures de la Chambre entière, et le lendemain par les acclamations de la presse unanime. (Très bien ! Très bien ! — Mouvement prolongé.)

Et bien, voulez-vous savoir ce que la presse libre a fait pour l’orateur libre ? (Écoutez ! ) Ouvrez les lettres politiques de Benjamin Constant, vous y trouverez ce passage remarquable : « En revenant à son banc, le lendemain du jour où il avait parlé ainsi, Casimir Périer me dit : « Si l’unanimité de « la presse n’avait pas fait contrepoids à l’unanimité de « la Chambre, j’aurais peut-être été découragé. » (Sensation.)

Voilà ce que peut la liberté de la presse ; voilà l’appui qu’elle peut donner ! C’est peut être à la liberté de la presse que vous avez dû cet homme courageux qui, le jour où il le fallut, sut être bon serviteur de l’ordre parce qu’il avait été bon serviteur de la liberté. (Très bien ! Très bien ! — Vive sensation.)  Ne souffrez pas les empiétements du pouvoir ; ne laissez pas se faire autour de vous cette espèce de calme faux qui n’est pas le calme, que vous prenez pour l’ordre et qui n’est pas l’ordre ; faites attention à cette vérité que Cromwell n’ignorait pas, et que Bonaparte savait aussi : Le silence autour des assemblées, c’est bientôt le silence dans les assemblées. (Mouvement.)   Encore un mot : Quelle était la situation de la presse à l’époque de la terreur ?… (Interruption.) Il faut bien que je vous rappelle des analogies non dans les époques, mais dans la situation de la presse, la presse alors était, comme aujourd’hui, libre de droit, esclave de fait. Alors, pour faire taire la presse, on menaçait de mort les journalistes, aujourd’hui on menace de mort les journaux. {Mouvement.) Le moyen est moins terrible, mais il n’en est pas moins efficace.

Qu’est-ce que c’est que cette situation? C’est la censure. (Agitation.) C’est la censure, c’est la pire, c’est la plus misérable de toutes les censures ; c’est celle qui attaque l’écrivain dans ce qu’il a de plus précieux au monde, dans sa dignité même ; celle qui livre l’écrivain aux tâtonnements sans le mettre à l’abri des coups d’État. (Agitation croissante.) Voilà la situation dans laquelle vous placez la presse aujourd’hui. […]

M. le Ministre de la justice invoquait tout à l’heure l’argument de la nécessité. Je prends la liberté de lui faire observer que la nécessité est l’argument des mauvaises politiques ; que, dans tous les temps, sous tous les régimes, les hommes d’État, condamnés par une insuffisance qui ne venait pas d’eux quelquefois, qui venait des circonstances mêmes, se sont appuyés sur cet argument de la nécessité. Nous avons entendu déjà, et souvent, sous le régime antérieur, les gouvernants faire appel à l’arbitraire, au despotisme, aux suspensions de journaux, aux incarcérations d’écrivains. Messieurs, prenez garde ! Vous faites respirer à la République le même air qu’à la Monarchie. (Très bien !) Souvenez-vous que la Monarchie en est morte. (Mouvement.) Messieurs, je ne dirai plus qu’un mot… (Interruption) L’Assemblée me rendra cette justice, que des interruptions systématiques ne m’ont pas empêché de protester jusqu’au bout en faveur de la liberté de la presse. (Adhésion. — Très bien ! Très bien !)

Messieurs, des temps inconnus s’approchent : préparons-nous à les recevoir avec toutes les ressources réunies de l’État, du peuple, de l’intelligence, de la civilisation française et de la bonne conscience des gouvernants. Toutes les libertés sont des forces ; ne nous laissons pas plus dépouiller de nos libertés que nous ne nous laisserions dépouiller de nos armes la veille du combat. (Approbation) Prenons garde aux exemples que nous donnons ! Les exemples que nous donnons sont inévitablement plus tard nos ennemis ou nos auxiliaires ; au jour du danger, ils se lèvent et ils combattent pour nous ou contre nous, (Très bien ! très bien !)

Quant à moi, si le secret de mes votes valait la peine d’être expliqué, je vous dirais: J’ai voté l’autre jour contre la peine de mort ; je vote aujourd’hui pour la liberté. Pourquoi ? C’est que je ne veux pas revoir 93 ! C’est qu’en 93 il y avait l’échafaud, et il n’y avait pas la liberté (Mouvement.)

J’ai toujours été, sous tous les régimes, pour la liberté, contre la compression. Pourquoi ? C’est que la liberté réglée par la loi produit l’ordre, et que la compression produit l’explosion. Voilà pourquoi je ne veux pas de la compression et je veux de la liberté. (Très bien ! Très bien ! Aux voix ! Aux voix !)